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Publié par Scientifique

 Deux explosions se sont produites Le batiment qui a explosécette nuit  de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Comme pour la première survenue sur le bâtiment où se trouve le réacteur N°1, elles ont soufflé celui du N°3. (photo, le bâtiment du réacteur N°1 après l'explosion).

Il s'agit d'explosions provoquées par l'accumulation d'hydrogène dans le haut de bâtiments à l'intérieur desquels se trouvent les enceintes de confinement des réacteurs et les réacteurs eux mêmes. Lire ici le communiqué de la Tepco, annonçant l'explosion. Les enceintes de confinements du réacteur et la salle de contrôle sont intactes. Le dernier communiqué de la Tepco affirme que de l'eau additionnée de bore est toujours injectée dans le réacteur pour le refroidir, mais ne précise pas s'il s'agit d'eau de mer alors que des communiqués précédents précisaient qu'il s'agissait d'eau de mer pompée par les moyens de lutte anti-incendie.

Une telle explosion d'hydrogène était attendue depuis un jour et demie et considérée comme pratiquement inéluctable par la compagnie exploitant la centrale, la Tepco, et le gouvernement japonais. BoilingWaterReactorDesignElle est spectaculaire mais si les rejets de matériaux radioactifs sont «importants au regard de la radioactivité naturelle», comme le souligne l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, ils ne présentent pas de danger important pour la santé humaine. (a gauche Graphique montrant les différentes enceintes autour du réacteur, l'enceinte de confinement en béton est intacte malgré l'explosion de la partie supérieure du batiment secondaire).

Pour l’instant, les rejets de vapeur contaminéeopérés par Tepco pour diminuer la pression dans les circuits et les enceintes (en accord avec le gouvernement et l’Agence de sûreté nucléaire et industrielle japonaise) n’ont pas de conséquences sanitaires sérieuses. Les valeurs maximales atteintes, samedi soir autour de Daichi, en termes de débit de dose, étaient de l’ordre de 1 millisievert par heure (mSv/h). En France, la limite annuelle d’exposition d’un travailleur du nucléaire est de 20 mSv, tandis que la dose de radioactivité naturelle varie de 1 à 40 mSv par an. Cette limite est réglementaire et précautionneuse, elle ne signifie pas un risque sanitaire mesurable lorsqu’on l’atteint. Cette situation s’explique par les quantités de radioactivité rejetées, mais aussi par une météo favorable, qui a poussé le nuage radioactif vers la mer.

Le réacteur N°2 semble désormais lui aussi en grave difficulté avec son système de refroidissement de secours qui selon une information donnée par la Tepco vient de tomber en panne à son tour.

Un autre problème est apparu dans la nuit de dimanche à lundi dans une centrale de la préfecture d'Ibaraki, à seulement 120 km au nord de Tokyo. Une pompe du système de refroidissement du réacteur n°2 de la centrale de Tokai est tombée en panne. Mais la Tepco affirme que d'autres pompes fonctionnent, l'IRSN annonce que le système de secours fonctionne normalement.

Voici un résumé du scénario de l'accident depuis son début jusqu'à la situation dimanche en fin d'après-midi :

Le séisme et le tsunami ont endommagé 7 réacteurs de deux centrales situées à 225 km de Tokyo. Malgré Fukushima-Dai-ichi-plant-Nuclear-Power-Plant-Japanles efforts déployés pour éviter une catastrophe, le résultat reste incertain.

Le scénario de l’accident nucléaire en cours au Japon ne peut être connu avec précision et de manière complète à l’heure où nous écrivons. Et, surtout, cet accident n’est pas terminé. Voici ce que l’on savait dimanche en fin d’après-midi d’après les informations officielles (gouvernementales et venant de l’exploitant Tepco) et leur analyse par des spécialistes français. La gravité de l’accident se situe d’ores et déjà au moins au niveau de celle de Three Miles Island, en 1979, aux Etats-Unis (lire page 9). Il concerne les 7 réacteurs en activité lors du séisme des centrales de Fukushima Daichi (3 réacteurs) et Fukushima Daini (4), touchés à des degrés divers.

Au moment du séisme Vendredi, 14 h 46, heure locale

Pour tous les réacteurs, les sécurités automatiques ont fonctionné, les barres de contrôle ont mis fin à la réaction en chaîne de fission nucléaire. Un réacteur n’est pas pour autant en sécurité. Il faut encore qu’il refroidisse. Non seulement il est très chaud, mais les atomes radioactifs qu’il contient (les produits de fission) vont, au fur et à mesure de leur désintégration, produire une chaleur supplémentaire. Il faut donc un refroidissement actif pour évacuer cette chaleur avec un apport d’eau. Si ce refroidissement n’est pas réalisé, l’eau bouillante sous pression dans lequel le réacteur est plongé se vaporise. Avec deux conséquences : un dénoyage partiel du cœur du réacteur, dont les structures métalliques et le combustible Sept-2010--salle de controle de Daiichi-3nucléaire peuvent fondre ; et un risque d’explosion provenant de la surpression de vapeur, ou de la formation d’hydrogène (par oxydation des gaines du combustible) qui va ensuite se mêler à la vapeur. Hydrogène dont le mélange avec l’oxygène de l’air est hautement explosif. (photo une vue antérieure à l'accident de la salle de controle de Daiichi-3)

Les systèmes de refroidissement - en circonstance normale, ou ceux prévus pour les situations accidentelles, comme les injections de secours - sont alimentés par l’électricité. Ils doivent également pomper l’eau de mer pour disposer d’une source froide. Or, le réseau est tombé en panne lors du séisme. C’est la mise hors service de ces systèmes (à plusieurs reprises) qui est à l’origine de la situation accidentelle des réacteurs.

A la centrale Fukushima Daichi Samedi, 15 h 36 : l’explosion

A 225 km au nord-est de Tokyo, le réacteur numéro 1 a vu ses générateurs de secours tomber en panne au moment du séisme, puis il a perdu son pompage d’eau de mer lorsque le tsunami est arrivé. A la suite d’une hausse de la pression à l’intérieur de l’enceinte de confinement (qui a atteint le niveau élevé de 0,8 megapascal, Mpa), une décompression volontaire de l’enceinte a été décidée par un rejet contrôlé et filtré dans l’atmosphère. Cette opération a été réalisée samedi à 14 h 30 (heure locale). La pression intérieure est alors redescendue à 0,4 MPa. Vers 14 h 40, des détecteurs à l’extérieur du site ont mesuré de faibles traces de césium 137 et d’iode 131 radioactifs. Il y a donc une dégradation par fusion, au moins partielle, du cœur du réacteur, confirmée par l’exploitant Tepco.

A 15 h 36, une violente explosion a lieu dans la partie supérieure du bâtiment où se trouve le réacteur. Un accident dû à l’hydrogène généré par oxydation des gaines du combustible, puis accumulé lors des opérations de décompression de l’enceinte de confinement. C’est le mélange de l’hydrogène avec l’oxygène de l’air qui a provoqué cette explosion. Une information de Tepco met aussi en cause une réplique sismique, mais ce point demeure confus. Le gouvernement japonais a déclaré que l’enceinte de confinement est restée intègre après l’explosion. Car ce qui a explosé était une structure de poutres métalliques recouverte d’un bardage en métal, et non l’enceinte de confinement du réacteur, en métal et Situation de Fukushimaen béton renforcé.

A 20 h 20, Tepco démarre le noyage de l’enceinte de confinement en y injectant massivement del’eau de mer borée (le bore bloque la réaction en chaîne de fission nucléaire en absorbant les neutrons), avec un débit de 30 tonnes par heure. Une opération qui doit permettre un refroidissement du cœur par l’extérieur de la cuve, d’après l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire). Il s’agit clairement d’une opération d’extrême urgence.

Les réacteurs 2 et 3 sont eux aussi en difficulté, car le refroidissement n’a pas fonctionné durant plusieurs heures. Là encore, il y a une montée en pression dans l’enceinte de confinement et les circuits. Sur le réacteur numéro 3, le cœur a été en partie dénoyé et un relâchement de vapeur d’eau contaminé, mais filtrée, a été réalisé. Un début de fusion des éléments combustible s’est produit. L’injection directe d’eau de mer a commencé hier.

A Fukushima Daini La centrale «sœur» de Daichi, à 12 kilomètres plus au sud

Les autorités ont décidé l’évacuation du public dans un rayon de 10 km autour de Fukushima Daini. Lors du séisme, la réaction en chaîne des quatre réacteurs a bien été arrêtée par les barres de contrôle. La centrale dispose depuis samedi d’une alimentation électrique normale par le réseau. L’un des réacteurs serait endommagé par une rupture de tuyauterie dans l’enceinte de confinement. Les balises de mesure de la radioactivité autour du site n’avaient pas relevé d’élévation de la radioactivité par rapport au niveau habituel. Si le niveau d’eau est annoncé «stable» dans les quatre réacteurs par Tepco, les pressions sont trop élevées, et des relâchements de vapeur contaminée sont envisagés. Il semble que les réacteurs aient perdu leur source froide.

Quels scénarios possibles pour les réacteurs nucléaires ?

L’accident nucléaire en cours au Japon peut désormais suivre plusieurs pistes. La plus souhaitable, la pire, et des intermédiaires.

Le scénario optimiste

C’est également «le plus réaliste, car il ne suppose pas de moyens à mettre en œuvre très différents de ceux qui sont utilisés depuis l’accident», souligne un ingénieur du nucléaire. Il passe par le maintien de l’intégrité des enceintes de confinement, des cuves, des cœurs des réacteurs, et le refroidissement de ces derniers jusqu’à une température de quelques dizaines de degrés, à laquelle les opérations d’enlèvement du combustible nucléaire sont habituellement réalisées.

Cette piste optimiste suppose que les ingénieurs des centrales disposent «de moyens fiables et pérennes de refroidissement», explique Olivier Gupta, de l’Autorité de sûreté nucléaire. Autrement dit, de moyens de pilotage des réacteurs - les systèmes de contrôle commande n’ont pas été affectés, selon les informations de Tepco, la compagnie exploitante japonaise. Mais aussi de courant électrique, d’une source froide (l’eau de mer en l’occurrence) et de moyens de compression et de circulation de l’eau dans le cœur du réacteur. L’important est d’éviter que l’eau ne s’évapore au niveau du cœur. Donc de la comprimer, car ainsi elle peut rester liquide à température plus élevée.

Toutes ces exigences doivent être réunies pendant une durée qui se compte en jours. Et c’est justement «ce qui n’est pas encore assuré, notamment pour les réacteurs 1 et 3 de Daichi [les plus en difficulté, ndlr]»,souligne Olivier Gupta.

La centrale de Fukushima Daini dispose du réseau électrique, celle de Daichi de générateurs de secours. Pour la source froide, elle est en théorie infinie pour les deux, puisqu’il s’agit de la mer. Mais encore faut-il que les stations de pompage ne soient pas endommagées ou détruites, comme cela pourrait être le cas pour la centrale de Daichi.

Les réacteurs les plus en difficulté, suite à des avaries des systèmes de secours, sont les numéros 1 et 3 de Fukushima Daichi. Pour ces deux réacteurs, Tepco a mis en route une manœuvre extrême : l’injection directe d’eau de mer, à laquelle on a ajouté du bore (un absorbeur de neutrons qui bloque la réaction en chaîne), dans la cuve où se trouve le cœur… voire dans l’enceinte de confinement pour refroidir la cuve de l’extérieur. Une action certes efficace, mais en ultime recours.

Toutes ces manœuvres signifient que les systèmes de sécurité normaux et d’urgence sont hors course ou dépassés. Reste que si ce scénario se réalise, la pollution radioactive sera limitée aux relâchements de vapeur contaminée que les exploitants des centrales opèrent de temps en temps pour réduire la pression dans les circuits et l’enceinte de confinement.

Le scénario pessimiste

On ne peut pas encore exclure un scénario du pire. Il repose sur la perte des moyens de refroidissement actuellement utilisés ou de ceux qui pourraient encore l’être. Or, dans ce cas, il y a d’abord une dégradation des assemblages combustibles (l’uranium et sa «gaine»), puis un processus de fusion du combustible et des structures du cœur du réacteur. Mais il est difficile de savoir s’il existe encore une puissance suffisante pour démarrer une vraie fusion du cœur.

En revanche, une fois commencée, elle peut suivre une cinétique rapide, en quelques heures. Car si le cœur fond en partie, il va entraver le refroidissement… et donc provoquer une fusion accélérée. Au bout du processus, cela peut conduire à la formation d’un «corium», explique un ingénieur, c’est-à-dire un amas fondu de métal et de matière radioactive.

Ce corium peut alors chuter vers le fond de la cuve. Voire le mettre lui aussi en fusion, et tomber sur le béton situé en dessous. Tout au long de cet enchaînement, il y aurait une montée en température, une oxydation du zirconium (un métal utilisé pour fabriquer les gaines du combustible) avec l’eau, ce qui forme de l’hydrogène. Cet hydrogène, gaz léger, aura tendance à s’évader vers le haut, puis vers l’extérieur en entraînant des produits de fission volatils et radioactifs, comme le césium et l’iode. Il peut également provoquer des explosions au contact de l’air.

Ce scénario du pire pourrait se réaliser bientôt… ou pas du tout. Car les moyens dont disposent les Japonais pour assurer le refroidissement des réacteurs ne peuvent que s’améliorer. Autrement dit, plus les jours passent sans qu’une aggravation se produise, plus le scénario optimiste se renforcera. Mais même s’il se réalise, ce plan va mettre les nerfs à vifs durant plusieurs jours.

Il sera temps, alors et au vu des conséquences complètes de cet accident majeur de l'industrie nucléaire, d'en tirer des commentaires et des leçons.


Par Sylvestre Huet

 

Slate

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